Revue du livre : De l’éthologie au dressage de Sandrine Dhondt

ethologie et dressageLe chainon manquant : lier l’approche éthologique et une discipline

Lorsqu’on se lance dans l’aventure de l’équitation dite “éthologique”, il est possible de se retrouver face à une une question existentielle de base : “oui, et ?”

Je me suis posé cette question. L’approche “étho” reste un fondement, qui permet la mise en place d’une relation profonde, confiante et respectueuse avec le cheval. On peut voir ici un bon résumé, par Andy Booth, de l’esprit et des apports de cette approche. Parfait. Et après ? Que fait on pour entrainer notre cheval en fonction d’une discipline particulière ? Et tout particulièrement le Dressage, “mère de toutes les disciplines”, que je préfère appeler “art équestre” plutôt que par cet ignoble mot de “dressage” qui est à mon sens bien trop connoté militaire et soumission.

Bien des passionnés font cette liaison facilement, d’autre moins, comme moi par exemple. Comment relier tous ces exercices avec des exercices bien plus classiques et académiques et arriver à un bel appuyer, un passage rassemblé ? Ou une pirouette ? Ou, rêve, une série de changement de pieds au temps ? Le tout dans la légèreté la plus totale, la rectitude, l’équilibre, et l’amusement du cheval ET du cavalier ? Et tant qu’a faire sans mors, si on préfère ?

Voila donc une lacune comblée avec cet ouvrage succinct mais clair  et précis : “De l’éthologie au dressage”.

 

Un exposé clair et précis des fondements de l’approche éthologique

Le livre de Sandrine Dhondt reprend la logique de l’approche globale et est divisée en 4 sections :

– Une partie théorique sur les fondamentaux de l’éthologie scientifique ;

– Une partie pratique au sol ;

– une partie pratique en selle ;

– une partie pratique dédiée à la discipline elle même et ses différentes figures.

Les fondamentaux :

Cette section est vraiment utile au néophyte car elle expose tous les concepts, le jargon, et les conditions nécessaires à la plus fondamentale étape de toute démarche éthologique : la compréhension du cheval. On reconnait la l’éthologue scientifique, tant dans la démarche que dans la clarté de ces définitions. Comme l’auteur est clairement inspirée par Parelli, on a même le droit à une petite cerise sur le gâteau : le détail de l’analyse des Horsenalities (les tempéraments équins) de Parelli, ET leur mise en adéquation avec les personnalités humaine ! C’est, si je puis dire avec humour, un peu le “kamasoutra” de l’éthologie équine.

Je vais insister sur cette dernière indication car c’est certainement l’un des points les plus souvent négligés lors des stages : la transmission du “savoir être” avec un cheval, bien plus fondamentale que le savoir faire technique (qui par dérive peut facilement tomber dans le technicisme mécanique). Merci à l’auteur donc de cette piqure de rappel !

La pratique au sol : relation et connexion

Les méthodes éthologiques ont (enfin !) réhabilité le travail au sol, tombé en désuétude avec l’industrialisation de le “tout tout de suite” de l’équitation moderne. Sandine Dhondt nous rappelle avec force, comme l’ont d’ailleurs fait tous les maîtres classiques anciens et modernes que c’est face à face que l’on gagne un cheval. Sa confiance, son respect, à condition que le contrat soit bien à double sens. On parle de confiance et de respect mutuels (restant sauf toute règle de sécurité nécessaire bien entendu). Et pour cela l’auteur nous livre une version commentée des 7 jeux Parelli qui sont certainement LA référence aujourd’hui en matière de méthode d’approche éthologique.

Bon les 7 jeux. Ok. On connait tout ca par cœur. Ah bon ? Vraiment ? Mais si vous mettez en comparaison ces jeux au sol, l’approche classique et ses apports, et une autre “méthode” (celle de John Lyons, représentée en France par ma grande copine Elisabeth de Corbigny). Encore une fois merci pour cette analyse comparative O combien instructive, claire et détaillée.

La pratique en selle : les fondations

C’est la qu’on ressent tout le talent de l’auteur et sa parfaite connaissance à la fois de l’éthologie scientifique, de la biomécanique, et de l’équitation classique de dressage. Le point fort de cette section est la mise en parallèle des deux jargons, qui se recoupent parfois, et permet une compréhension globale de l’intérêt de tel ou tel exercice par rapport à la préparation fondamentale du cheval au dressage. C’est un peu la section “basse école”, avec le “plus” éthologique : la préparation mentale et finalement globale du cheval.

A chaque fois le canon classique est exposé, et complété par “comment y arriver en mode étho”.

Parvenir à la haute école.

Cette section reprend, après une petite partie de rappels théoriques bien placés, chacune des principales figures, en détaillant à chaque fois :

– Une définition de la figure, toujours utile
– Est ce naturel ?
– Peut on l’enseigner au sol (et si oui comment)
– Et plusieurs points pour “construire” la figure avec le cheval (éléments à combiner, résultat à observer, ressenti)
– Comment l’enseigner au cheval (en selle), gérer l’assiette, les reports de poids.

Le bonus de cette section c’est une vision assez globale de la figure, mais (et c’est LA difficulté de cette section) elle demande une très solide culture équestre et une parfaite maîtrise de l’ensemble des fondamentaux. Me direz vous, le dressage haute école n’est pas destiné aux débutants. Nous sommes bien d’accord. Mais l’apparente simplicité, la clarté des explications cache un peu cette indispensable (à mon sens) culture équestre. Et donc avoir lu aux moins les indispensables, ou au moins survolés, que sont Laguérinière, L’hotte, Jousseaume ou autres Oliveira ou encore Philippe Karl. Cette culture équestre qui permet la mise en rapport des différentes approches, pourtant si admirablement synthétisées dans cet ouvrage, n’était pas exposables dans ce livre qui se veut un manuel opérationnel mais pas une somme équestre.

Il faut donc aller un peu plus loin…

 Lire “De l’éthologie au Dressage” :

Morceaux choisis :


Le cheval de dressage doit expérimenter tous les exercices comme des choses positives. Ce ne peut pas être le cas si le cavalier utilise des aides trop fortes. L’animal a alors toutes les bonnes raisons d’associer ce qu’il fait à de l’inconfort, voire même de la douleur ! Méritez sa confiance et son respect, cherchez toujours à faire moins pour obtenir plus…

 


 Pourquoi se donner des challenges insurmontables ? Commencez toujours doucement, calmement, de façon sécuritaire pour vous et lui, et construisez étape par étape.

 Dans la recherche effrénée actuelle de “l’impulsion”, beaucoup de chevaux sont précipités au delà de leur cadence. Comme le dit l’excellent écuyer Paulo Sergio Perdigao (Ecole portugaise d’art équestre) : “chaque cheval a SON rythme. Il faut l’écouter.

Le site de Sandrine Dhondt : http://www.sandrinedhondt.com

Pour aller plus loin

Ce manuel de Sandrine Dhondt est, sincèrement, une référence en la matière, mais il prend toute sa valeur et son intérêt si on l’insère dans une vision encore plus globale de “l’art équestre”, la haute équitation, ce que Jean Yves Leguillou appelle l’équitation noble, qui n’est autre que la fusion de deux êtres, si différents, fusion dont le but, selon les mots de La Guérinière, est de pouvoir “faire ressortir au cheval le brillant de ses allures naturelles avec un cavalier sur le dos”. Pas facile…

Pour cela je vous propose comme complément cet autre ouvrage magistral de Carlos Pereira, qui va encore un peu plus loin dans la logique : le travail physique ET psychologie du cheval ET du cavalier, une lecture et une compréhension de la biomécanique du cheval qui permet de fait de mieux comprendre le pourquoi de tel ou tel exercice, et donc éventuellement l’améliorer.

La boucle est bouclée, et nous pouvons enfin parvenir à ce rêve du centaure, l’union, la communion du cavalier et de son cheval…

Bonne lecture !

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