Le voilà enfin ! Cela faisait bien longtemps que je voulais lire ce livre, histoire d’alimenter un peu mon moulin en mode ronchon radicaliste, mais avec une vision plus scientifique et haute école de “l’art équestre”.
Quelle ne fut pas ma surprise ! Je m’attendais à un pamphlet et une violente condamnation du grand n’importe quoi moderne, et bien…. pas du tout ! J’ai eu bien mieux !
J’ai eu le droit à une “remise à ma place” de misérable vermisseau ignorant, une leçon de choses en bonne et due forme, et avec en prime un bon coup de pied au… derrière !
Une lecture réjouissante et indispensable à mon sens pour tout cavalier soucieux de se lancer dans le “dressage”, et dans la “haute équitation”, ou simplement l’art équestre…
La leçon de choses de Philippe Karl.
Je dois avoir des tendances cachées masochistes, la lecture de cet ouvrage va finir par me le faire croire. Se faire remettre à sa place par Philippe Karl, ma foi, c’est finalement assez jouissif.
Loin du pamphlet que j’imaginais, ce livre est un manuel ultra précis et quasiment scientifique, avec des séries d’exercices qui “remettent les choses en place”.
Certes j’ai été servi par les introductions comme je les aime “le dogme officiel dit… Mais la réalité est…”, schémas et preuves incontestables à l’appui.
Même si je ne partage pas certains aspects de son équitation, Philippe Karl reste un “grand monsieur” de l’équitation, et son niveau de compétences est loin, très loin, de ce à quoi je pourrai parvenir un jour.
Ce livre remet donc en perspective à la fois l’approche globale du cheval, insiste sur l’oubli moderne de la partie mentale de l’équitation, sa dérive mercantile et mécanique, fondée sur des dogmes et des principes qui n’ont plus rien à voir avec la réalité. Certes, cher lecteur qui commencez à me connaitre un peu, on sait tout cela, on le voit tous les jours. Oui. Mais quand c’est Karl qui le dit… Cela apporte cette petite touche réjouissante et vivifiante, une “parole du maître” qui provient du monde même qu’il condamne. En un mot comme en cent : c’est bon !
Un manuel pratique pour un art équestre bien compris
Tout y passe. De la position de la main à l’équilibre du rassemblé, de la rectitude au pas au piaffé le plus aérien. Le modèle de chaque section est simple et toujours le même :
- Une analyse de la “thèse officielle”
- L’expérimentation de cette dernière
- Une démonstration de “pourquoi ca peut pas marcher”
- La méthodologie et l’approche “qui marche”, fondée sur l’observation des faits.
- Les faits et l’anatomie le démontrent, l’incurvation d’ensemble est une vue de l’esprit. (p 31)
- Le cavalier qui force la flexion latérale à l’aide d’enrênements et verrouille la bouche avec des muserolles spéciales n’agit guère mieux qu’un éducateur qui bâillonne un enfant et le ligote sur sa chaise pour le réduire au silence et lui imposer le calme. (p41)
- L’équitation officielle confond une fois de plus la fin et les moyens… Car si le pli d’encolure exactement dans l’axe du déplacement est un objectif valable dans une présentation, il ne doit évidemment pas constituer un mode exclusif d’emploi de l’encolure tout au long du dressage du cheval. (p68)
- Il est souvent possible d’imposer au cheval n’importe quoi, envers et contre tout… Mais en abusant de sa bonne volonté et en limitant ses moyens. Il faut rappeler que l’équitation ne peut être classique, au sens noble du terme, que dans le respect de la nature. (p97)
Attention, la lecture de cet ouvrage demande une grande culture équestre. C’est très technique, et les démonstrations notamment biomécaniques sont parfois ardues. Mais quand on en est à ce niveau d’équitation savante, on ne va pas faire la fine bouche.
Toutefois les nombreuses citations ou appels aux maîtres anciens, notamment Laguérinière et Baucher, nous ancrent dans cet art équestre théoriquement tout en finesse, oublié par les “modernes”…
Des exercices pratiques richement illustrés
Ce livre est très beau. Grand format, 160 pages presque toutes illustrées soit de schémas explicatifs, soit de photos très précises. L’éventuelle difficulté de certaines explications est largement compensée par cette richesse illustrative. Ce qui marque notamment, un peu comme sur les (trop !) rares photos ou vidéos de Oliveira, c’est l’extrême légèreté de ses mains, et son insistance permanente, à contre courant de la pratique moderne du contact à outrance (pourtant contraire aux règlement FEI…), sur l’importance de cette légèreté.
Même si, en bon classique, il monte bien entendu en mors de bride et éperons (mais tant que ca reste obligatoire hein…), les exercices proposés, très nombreux, sont toujours sur base de cette légèreté. “Une main intelligente supplante “haut la main” tous les matériels de contention imaginables !” (p. 55)
Karl aborde également les nombreux problèmes courants, que se soit en terme de locomotion, d’impulsion ou de comportement parasites (cheval qui porte au vent, qui bat à la main, s’encapuchonne etc.)
Notons également l’importance et la précision des illustrations du travail à pied, très développé dans ce livre.
Sans mors ?
N’en demandons pas trop non plus. Mais comment utiliser ce livre dans le cadre d’une équitation sans mors ? Est ce simplement possible ?
OUI !
Bien que je sois presque certain que lui même dirait “non, ce n’est pas sérieux” (encore que cela reste à vérifier) tout ce qui est proposé est largement applicable et utilisable. Se sont des exercices classiques, à visée de “dressage” (je n’aime définitivement pas ce mot…) de haut niveau ou tout simplement de “belle équitation”, d’art équestre, même toute personnelle.
Ce livre pourra donc satisfaire à la fois les grands classiques à la recherche d’un véritable art équestre, loin des horreurs que l’on voit encore trop souvent, et l’équitant guiliguiliste (moi !) à la recherche d’un peu plus de technicité équestre.
A lire, donc !
Le site de Philippe Karl : http://www.philippe-karl.com/ et surtout sa section “articles” très riche.
Les limites de la démarche
Karl est bauchériste. Il ne s’en cache pas, et de fait toute sa démarche reste totalement centrée sur cette manière de faire et surtout de “voir” le cheval. Le principal problème de ce livre est donc dans la partie pratique et les exercices qu’il propose. Autant la partie “critique” est très riche et argumentée, autant la partie pratique pose un sérieux problème global. Tout comme les dresseurs qu’il condamne, il part du point de départ qu’est “l’attitude recherchée”. Le cheval DOIT être comme ceci ou comme cela. C’est d’ailleurs le principal travers de l’approche bauchériste, si violemment critiquée par l’Hotte lui même à l’époque.
Cela implique donc que cette approche, encore et toujours, prétend “faire faire” au cheval des choses, dans le but d’atteindre une attitude particulière, et non pas à recevoir ce que peut donner le cheval pour lui permettre de briller dans ses allures naturelles tel que le préconise Laguérinière.
Cette manière de penser l’équitation me pose un sérieux problème éthique, mais aussi purement technique. Car cela suppose, tout comme dans les méthodes modernes dites éthologique, que le cheval reste contraint d’une manière ou d’une autre dans une action préprogrammée et imposée : à aucun moment il n’a le droit de dire “non”…
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